fibres de collagène
Biomasse animale : quand les sous-produits valent de l’or !

Biomasse animale : quand les sous-produits valent de l’or !

Valorisation de la biomasse animale: protéines fibreuses structurelles pour la conception de matériaux biosourcés et de composés à activité biologique

Enjeux, origine des travaux

Les protéines fibreuses structurelles – collagène, élastine et kératine – sont les constituants principaux des tissus conjonctifs et tégumentaires de l’Homme et des animaux. Elles représentent la famille des scléroprotéines (du grec ancien : « protéines dures ») et constituent 50% de toutes les protéines des organismes animaux. Leurs propriétés sont différentes de celles des protéines fibreuses à but nutritionnel telles que celles contenues dans les fibres de la viande ou de chair de poisson, ou des protéines végétales. Les scléroprotéines sont impliquées dans la stabilité et la résistance mécanique des tissus, la protection contre des agents pathogènes, ainsi que dans de nombreuses voies physiologiques chez l’Homme et les animaux. Etant ubiquitaires dans tous les tissus, le collagène, l’élastine et la kératine peuvent être extraits des sous-produits générés en grande quantité dans les abattoirs de la filière viande; des quantités s’élevant jusqu’à 50% du poids de départ des animaux destinés à la consommation humaine, pour des quantités annuelles d’environ 20 millions de tonnes dans l’Union Européenne et de plus de 100 millions de tonnes dans le monde. Les dernières statistiques de la FAO (Food and Agricultural Organisation) prévoient que la consommation de viande dans le monde augmentera jusqu'en 2050, ce qui signifie que les résidus animaux augmenteront également.

collagen elastin keratin

Résultats

Les potentialités des scléroprotéines collagène, élastine et kératine issues de sous-produits animaux ont été mises en évidence dans la revue scientifique Trends in Food Science & Technology (facteur d’impact 5.2, selon l’ISI – Institut for Scientific Information, Web of Science), qui est parmi les 5 revues internationales les plus importants dans le domaine Food Science & Technologies. S’appuyant sur une étude bibliographique ad hoc menée par le service de documentation du Centre INRA ARA (Auvergne-Rhône-Alpes) en début 2017, c’est la toute première publication issue d’un institut de recherche Français qui porte sur la valorisation de la biomasse animale pour la récupération des protéines fibreuses structurelles. Cet état de l’art participe au positionnement stratégique pour la France, premier Pays en Europe pour la production de sous-produits animaux en termes de tonnage mais parmi le derniers Pays les plus industrialisés au monde à ne pas valoriser cette biomasse à haut potentiel biologique et technique.

Au-delà de cet état de l’art,  les premiers résultats portent sur l’extraction du collagène fibrillaire à partir d’os bovin (Bos taurus – collagène type I). Plusieurs paramètres ont été pris en compte. Facteurs endogènes tels quel l’âge de l’os bovin (jeune adulte et adulte – 4 et 7 ans respectivement) et l’anatomie de l’os (fémur et tibia) pour l’étude d’extractabilité du collagène selon la variabilité de la matière première. Facteurs  exogènes tels que la méthodologie de séchage (à haute ou basse température) pour l’étude de l’assemblage du collagène une fois extrait de l’os. Les deux facteurs – endogènes et exogènes -  sont fortement liés à la fonctionnalité du collagène ex-vivo et peuvent donc déterminer le champ d’application (ex. biomatériaux, matériaux techniques, composants à activité biologique spécifique, etc.). Au niveau international, de nombreuses publications existent sur le collagène de type I issu de la biomasse animale. Néanmoins, très peu sont relatives au tissu osseux et aucun travail n’a bien documenté, jusqu’à aujourd’hui, l’effet des paramètres considérés dans cette étude.   

Nos travaux ont mis en évidence que l'âge de l’os bovin corrèle négativement avec le rendement d’extraction et positivement avec la teneur en minéraux (calcium et phosphore) et en protéoglycanes, ce qui est important pour l’assemblage fibrillaire du collagène. En comparant l'anatomie, des rendements plus élevés ont été observés pour les tibias, et une plus grande stabilité en solution (potentiel zêta) du collagène de tibia a été soulignée. Quels que soit l'âge et l'anatomie, le collagène extrait est capable d’auto-assemblage en structures tridimensionnelles: capsules à l’échelle micrométrique par séchage à haute température (spray-drying) et fibrilles de diamètre micro- et submicrométrique, et de longueur indéfinie, par séchage à bas température (lyophilisation ou freeze-drying). Ces résultats ont été valorisés par une publication dans la revue International Journal of Biological Macromolecules.  

Les études de dichroïsme circulaire menées au synchrotron SOLEIL ont permis d’analyser l’équilibre dénaturation-renaturation sous un gradient de température du collagène extrait et de déterminer les paramètres thermodynamiques liés au procès, tels que l’enthalpie, l’entropie et l’énergie libre de Gibbs. L’analyse de ces paramètres a permis de conclure que le collagène issu d’un tibia de bovin adulte est plus stable à la dénaturation par rapport aux autres. D’autres études sont en cours sur la récupération du collagène d’os bovin et sur le lien procédé-structure-fonctionnalité.

Perspectives

La valorisation de la biomasse animale représente une opportunité d’évolution et de révolution économique ainsi que de durabilité dans plusieurs secteurs d’activité. Le remplacement de nombreux matériaux d’origine synthétique est envisageable, tout comme la production de composants à activité biologique (antioxydante, antihypertensive, antidiabétique, antiinflammatoire, etc.), grâce aux propriétés du collagène, de l’élastine et de la kératine.

Voir aussi

Ferraro, V., Gaillard-Martinie, B., Sayd, T., Chambon, C., Anton, M.,  Véronique Santé-Lhoutellier, V. (2017). Collagen type I from bovine bone. Effect of animal age, bone anatomy and drying methodology on extraction yield, self-assembly, thermal behaviour and electrokinetic potential. International Journal of Biological Macromolecules, 97, 55-66.

Ferraro, V., Anton, M., Santé-Lhoutellier, V. (2016). The “sisters” α-helices of collagen, elastin and keratin recovered from animal by-products: functionality, bioactivity and trends of application. Trends in Food Science & Technology, 51, 65-75.