plat de viande cuite et légumes
Que deviennent les contaminants à la cuisson ?

Que deviennent les contaminants à la cuisson ?

Des recherches récentes en chimie et toxicologie alimentaire suggèrent que la seule connaissance du niveau de contamination des produits de l’agriculture n’est pas suffisante pour évaluer leur impact sanitaire.

Résumé

Des recherches récentes en chimie et toxicologie alimentaire suggèrent que la seule connaissance du niveau de contamination des produits de l’agriculture n’est pas suffisante pour évaluer leur impact sanitaire dans la mesure où certaines opérations de préparations culinaires ou certains phénomènes post-ingestifs pourraient significativement moduler le risque chimique pour le consommateur. Plusieurs études ponctuelles montrent notamment que la cuisson peut affecter de manière significative la teneur en certains contaminants des aliments via des phénomènes de thermo-dégradation en substances dérivées et/ou de transfert de matière comme l’expulsion dans le jus de cuisson. La viande étant essentiellement consommée cuite, ce travail de recherche mené dans le cadre du projet ANR SOMEAT (2013-2017) avait pour objectif d’étudier de manière systématique l’incidence modulatrice de la cuisson à la poêle sur les principaux contaminants chimiques susceptibles d’être retrouvés dans la viande.

steak dans une poêle avec la liste des contaminants
Effet modulateur de la cuisson à la poêle sur les contaminants de la viande. Alors que les dioxines (PCDD/Fs) et les métaux lourds ne sont pas impactés par la cuisson, les teneurs dans la viande après une cuisson intense peuvent être diminuées jusqu’à 59% pour les polychlorobiphényls (PCBs), jusqu’à 87% pour certains pesticides et jusqu’à 55% pour certains antibiotiques. Pour les PCBs, les pertes à la cuisson sont essentiellement dues à une expulsion par le jus alors que pour les pesticides et les antibiotiques, des phénomènes de thermodégradation peuvent également se produire selon les structures chimiques des composés.

Evaluer les effets de la cuisson sur l’exposition des consommateurs aux contaminants chimiques des viandes

Une approche empirique a été mise en œuvre afin de mettre en évidence les contaminants sensibles à la cuisson et la nature des phénomènes impliqués : pertes des contaminants dans le jus de cuisson, thermo-dégradation. Cette approche était basée sur l’utilisation de viandes intentionnellement multi-contaminées et la réalisation de bilans matière avant et après cuisson au moyen de méthodes d’analyse multi-résidus, existantes au sein des Laboratoires Nationaux de Référence participant à l’ANR SOMEAT pour le suivi des antibiotiques et des métaux lourds, ou bien d’approches développées par l’unité QuaPA  pour les micropolluants organiques environnementaux et les pesticides (Planche et al., 2017). Les phénomènes observés ont ensuite été validés à partir de viandes naturellement contaminées du vivant de l’animal et échantillonnées dans le cadre du projet (Planche et al., 2017).

Des effets distincts de la cuisson suivant les types de contaminants chimiques

Alors que la cuisson n’a pas montré d’impact significatif sur la teneur de la viande en dioxines (PCDD/Fs) et en métaux lourds, des pertes significatives en polychlorobiphényls (PCBs), antibiotiques et pesticides ont été mises en évidence. Ces pertes étaient d’autant plus importantes que l’intensité de cuisson était élevée. Elles étaient attribuables à des phénomènes d’expulsion via le jus de cuisson (PCBs,  certains antibiotiques et pesticides) et/ou à des thermo-dégradations (certains antibiotiques et pesticides).

Perspectives et autres valorisations

Afin de préciser l’origine des pertes à la cuisson, des contaminants ciblés comme thermosensibles ont été radiomarqués et ajoutés à la viande avant cuisson. Ces composés ou leurs éventuels produits de dégradation eux-aussi marqués ont ensuite été suivis au cours de la cuisson. Une étude a déjà pu être réalisée en collaboration avec l’unité TOXALIM et l’ANSES Fougères sur deux antibiotiques radiomarqués, la sulfaméthazine et le sulfaméthoxazole. Les résultats montrent : 1/ pour la sulfaméthazine, une absence de thermodégradation quelle que soit l’intensité de la cuisson, laissant supposer une perte en ce composé via le jus de cuisson, 2/ pour le sulfaméthoxazole, une thermodégradation en 5 produits de dégradation dont les identifications structurales ont pu être réalisées par  Résonance Magnétique Nucléaire et Spectrométrie de Masse (Planche, 2016). D’autre part, les résultats des effets modulateurs de la cuisson observés sur les PCBs ont pu être pris en compte afin d’évaluer les risques liés à la consommation de viande issus de systèmes de production bio ou conventionnel (Tressou et al., 2017). 

Partenaires

Ce fait marquant a été réalisé dans le cadre de la thèse de Christelle Planche codirigée par L. Debrauwer (UMR TOXALIM) et E. Engel (UR QuaPA) dans le cadre du projet ANR SOMEAT (2013-2017, http://www.so-meat.fr/). Ce travail a impliqué 5 unités INRA (UR 370 QuaPA, UMR1331 TOXALIM, UMR 518 MIA, UR1303 ALISS, UR0083A), deux unités ANSES (Fougères Médicaments Vétérinaires, Maisons-Alfort Sécurité des Aliments) et un laboratoire de l’ONIRIS (LABERCA).

Voir aussi

Planche, C., Ratel, J., Blinet, P., Mercier, F., Angénieux, M., Chafey, C., ... & Engel, E. (2017). Effects of pan cooking on micropollutants in meat. Food Chemistry, 232, 395-404.

Planche C., Thèse de doctorat Nutrition et Sciences des Aliments, Clermont-Ferrand, 2016, Impact de la cuisson et de la digestion sur les micropolluants à risque des produits carnés. http://www.theses.fr/2016CLF22749/document

Tressou, J., Ben Abdallah, N., Planche, C., Dervilly-Pinel, G., Sans, P., Engel, E., Albert, I. In Exposure assessment for dioxin-like PCBs intake from organic and conventional meat integrating cooking and digestion effects. Chemical Toxicology, https://doi.org/10.1016/j.fct.2017.10.032